Ma mère et ma tante habitaient dans le même village (comme une partie de la famille de mon père d'ailleurs) et se voyaient relativement souvent, pour prendre un café, aller au marché, s'échanger un de leurs régimes miracles qui les renderaient minces cette fois-ci (elles avaient presque tout essayé et reprenaient à chaque fois les kilos si durement perdus). Mais cette fois ci, ma tante, avait perdu 10kg en peu de temps et était fière de ce résultat. Le plus troublant était qu'elle disait qu'elle n'avait pas fait de régime, elle maigrissait comme ça en mangeant comme d'habitude. Un point de coté la gênait parfois, mais en dehors de ça, tout allait bien.
Sa fille trouvant cela quand même un peu bizarre, convainqua sa mère de faire quelques examens, juste pour se rassurer.
Les résultats tombèrent, ils n'étaient pas bons, il fallait refaire des examens plus poussés.
Le diagnostic tomba comme un couperet : cancer du foie (parti de la vésicule biliaire au départ) inopérable (il y avait des nodules sur tout le foie), espérance de vie---> 3 mois !
Quel choc ! Surtout qu'elle ne se sentait pas si malade que ça, juste ce point sur le coté, peut etre un peu de fatigue mais de là à ce qu'on vous annonce votre mort prochaine, il y a tout un monde. Et l'oncologue qui lui dit qu'elle devrait penser à mettre ses affaires en ordre. Il fallait l'annoncer à ses enfants, la famille. Je l'ai appris pour ma part au téléphone. Nous sommes en 2001 (année sombre car ma mère perdit sa marraine d'une tumeur au cerveau en quelques mois) .
Débuta alors la chimiothérapie (curative ou palliative, je n'en sais rien). Par chance, elle n'avait pas vraiment d'effets secondaires hormis la fatigue. Elle combina ce traitement avec de l'homéopathie. Les mois passèrent, elle avait même repris du poid, la chimio agissait, si bien qu'en hiver 2002, elle fut opérée et les chirurgiens lui enlevèrent toutes les parties atteintes du foie.
Je lui rendais visite à l'hopital, lui ramenais des magazines mais elle n'avait pas le temps de s'ennuyer, y avait toujours du monde.
Après l'opération, les médecins n'avaient pas jugé nécessaire de poursuivre la chimio. Plus besoin de traitement, juste un suivi.
Commença alors la période de rémission, les analyses sanguines étaient bonnes. Elle repartit en vacances, se projetait à nouveau dans l'avenir, un avenir avec elle. On se plaisait à croire qu'elle était guérie, que tout ça c'était fini, que le gros nuage noir au dessus de nos tetes avait fini par laisser la place à un soleil radieux. Elle offrit un pendentif en or en forme d'étoile à ma mère, pour la remercier d'avoir été là, de lui avoir remonté le moral, d'avoir été sa bonne étoile. Un cadeau cher au coeur de ma mère.
Je ne me rappelle plus à quel moment exactement les résultats redevinrent mauvais. Il fallait reprendre la chimio, tout recommencer. On y croyait toujours, elle l'avait mis KO une fois, elle pouvait le refaire et malgré la déception, il fallait l'aider à garder le moral.
La chimio n'étant plus aussi efficace que la première fois, elle fut modifiée. Elle ne perdit pas ses cheveux mais elle se fatiguait beaucoup plus et ses extrémités devenaient insensibles, comme quand on a le pied endormi, ce qui posait des problèmes pour se déplacer. Le cancer resta stationnaire un petit temps puis elle commença à avoir mal au bras. Je ne l'ai pas vu souvent durant cette période car à chaque fois que je voulais lui rendre visite, on me disait "oh, tu sais, elle est fatiguée" ou "elle a du monde, ça va la fatiguer encore plus", je n'insistais pas mais me tenais régulièrement au courant de son état de santé.
Fin 2004/début 2005, les médecins avaient décidé d'arrêter la chimio car ils craignaient les hémorragies. Si plus de chimio, le cancer allait se développer, gagner du terrain, c'était vraiment pas bon signe.
J'avais revu ma tante le 19 mars 2005, elle tenait à se rendre à l'enterrement de mon grand père. Ce n'était pas une très bonne idée car en voyant le cercueil, ce fut très éprouvant pour elle et on peut facilement imaginer à quoi elle pensait.
Elle n'avait pas changé physiquement, si on ne le savait pas, personne ne pouvait deviner qu'elle était malade.
Vers mai, elle commença à perdre du poid, à baisser les bras. Elle commençait à avoir de l'eau dans les jambes, à avoir de plus en plus mal à son bras.
On me disait juste "ça ne va pas fort, elle est fatiguée".
En juillet, elle fut hospitalisée mais on ne me donnait pas plus de détail sur son état, si ce n'était qu'elle avait de l'eau. Et puis, en allant chez mes parents (je prends le train pour y aller) j'avais insisté pour aller la voir à l'hopital même si ce n'était que 5 min. J'avais toujours en tete la dernière image d'elle, à l'enterrement et je m'attendais à la retrouver à peu près comme ça.
La chambre était assez sombre, au bout du couloir et j'ai failli ne pas reconnaitre ma tante tellement elle avait changé. Son visage avait vieilli, ses bonnes joues avaient fondues, son teint était jaune, elle n'était plus que l'ombre d'elle même. Elle était sous oxigène car l'eau avait atteint ses poumons. Ses jambes étaient pleines d'eau, si gonflées, si tendues. Ce que j'ai ressenti ce jour là ...de l'effroi et je craignais plus que tout qu'elle s'en aperçoive. Je n'étais pas préparée à la voir comme ça, du coup ça m'a fait un choc et j'étais très mal à l'aise. J'avais peur de dire une bêtise, d'être maladroite. Bien que physiquement ce n'est plus la même, mentalement c'était bien elle, elle donnait des instructions à son mari, discutait, râlait, plaisantait, disait qu'il lui fallait tel ou tel truc pour la semaine suivante.
Nous ne sommes pas restée trop longtemps.
Le lendemain matin le téléphone sonna, ma mère décrocha. Elle était dans tous ses états. Ma tante venait de tomber dans le coma, c'était la fin.
A l'hopital, tout le monde était là. Je sus que c'était pendant que les infirmières procédaient à sa toilette qu'elle se sentit bizarre. Elle voulut dire quelque chose à son mari mais il l'interrompit en lui disant qu'elle lui dirait plutard. Il ne sut jamais ce qu'elle voulait lui dire.
J'entrai dans la chambre toujours aussi sombre, je ne savais pas si elle m'entendait car elle réagissait encore à certaines choses (les infirmières avaient tenté de lui mettre le masque à oxygène mais elle les avait repoussées avec son bras). Elle gémissait à chaque respiration. Chacun son tour, on allait lui parler, je lui pris juste la main.
Dans le couloir, tout le monde était effondré et il n' y a rien qu'on puisse dire dans ces moments là qui pourrait réconforter quelque peu. J'essayais d'analyser chaque info, je ne comprenais pas pourquoi aussi vite, ce qui avait changé par rapport au jour d'avant.
La veille on parlait avec elle et là, elle s'en allait.
Elle s'est éteinte entourée par ses enfants et son mari. Je suis allée la voir une dernière fois avant que les infirmières ne passent pour arrêter les machines et "l'installer" dans son lit. Pour moi, même si elle était déjà partie, la voir entourée encore par les appareils était moins dur, elle ne ressemblait pas encore tout à fait à qq'un de décédé.
Finalement ma mère fut contente que ce jour là, j'insistai pour aller la voir et moi aussi.
Depuis la vie a repris son cour, ce fut douloureux, difficile surtout pour ses enfants.
Moi, ça me fait toujours bizarre de les voir sans elle.
Bien que cette journée m'ait marquée, quand je pense à elle, je ne la vois pas comme elle était ce dernier jour, mais je la vois souriante, avec ses bonnes joues comme au temps où tout allait bien pour elle.
Commentaires
Je connais tout ça. Dans ma famille, on meurt tous d'un cancer. Chacun le sien. Et la première partie fut ma mère, j'avais 3 ans 1/2. Ton article a été difficile à lire pour moi mais il fallait que je le fasse comme une sorte...d'accompagnement.
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Un petit rien, çà coûte rien
Un petit rien, ça fait du bien
Les petits mots de tous les jours
Peuvent être gorgés d'amour
Toutes ces marques de confiance
C'est du soleil en abondance
Si tu leur donnes tous leur sens
Les petits gestes qui viennent du coeur
C'est la recette du bonheur
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............. . bises laure
Elle n'est pas partie toute seule, c'est ce qu'elle voulait. J'espère seulement qu'elle n'a pas souffert. C'est dur l'absence... Perso, je ne m'y fais pas. Bise à toi ma belle, bon week end malgré tout... Life goes on
Encore moi...
Je te raconte : quand ma mère était dans le comas (plusieurs jours), elle ne partait donc pas et c'est seulement lorsque nous avons compris qu'elle voulait certainement partir seule en paix que nous lui avons dit, chacun notre tour seul dans la chambre avec elle, notre "au revoir".
Et donc plus personne n'était près d'elle cette nuit là qu'elle est partie. Elle ne voulait pas que nous soyons là pour ce moment.
C'est pour ça que je suis presque ceraine qu'"ils" nous entendent.
Allez ! Gros bisouxxxxxxxx et bonne soirée !
Ton article me touche beaucoup, c'est très émouvant.
C'est bien qu'elle ait été entourée par tout le monde aux derniers moments.
Tu sais, je pense qu'elle entendait quand elle était dans le coma. On me l'a dit pour ma mère et je le crois.
C'est bien que tu gardes cette belle image d'elle, c'est ce qu'elle voudrait.
Pour passer à un autre sujet : tu dois avoir une sacrée collection de dvd à force !
Bonne soirée et mille bisouxxx
trop triste
Très émouvant ce que tu viens de nous raconter.
Je crois que l'on ne peut jamais oublier ceux que l'on aime quoi qu'il arrive.
passe une bonne soirée.
Christelle.
bonsoir, oui, c'est trés dur de voir un être proche de nous, s'éteindre tout doucement, et surtout changé physiquement, Moi même, j'ai perdu un être trés proche, et le pire, c'est bien cela, le voir chaque jour déperir, devenir autre, partir...mais bon, comme tu dis, finalement, on ne garde que les bons souvenirs, et la mémoire balaie le plus mauvais.
bonne soirée.